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Deux précédents articles faisaient référence à des théories économiques pouvant se révéler prometteuses pour mieux comprendre les processus de crises.
Le premier article présentait l’apport de l’économie comportementale à travers les travaux du Prix Nobel Daniel Kahneman. Son analyse de « l’effet de halo » et du biais de « pseudo certitude » montre que nous privilégions nos premières impressions et que nous agissons souvent selon des vérités périmées. http://www.gerard-pardini.fr/spip.php?article40.
Le second article invitait à prendre en compte la théorie de la disponibilité qui est le processus permettant d’appréhender la fréquence avec laquelle les exemples viennent à l’esprit. Elle permet notamment d’expliquer la propension à s’engager plus fortement dans des actions de prévention après une grande catastrophe mais elle révèle également les limites de ce comportement vertueux qui va s’affaiblir au fur et à mesure que le souvenir de la catastrophe s’éloigne. http://www.gerard-pardini.fr/spip.php?article44.
Il m’a semblé intéressant de rapprocher les travaux de Kahneman de ceux de Jeff Hawkins, ingénieur et spécialiste des neurosciences, créateur du Redwood Neuroscience Institute.
Depuis 2005, date de la parution de son ouvrage Intelligence, Hawkins promeut une nouvelle approche du fonctionnement du cerveau humain. Ce dernier ne fonctionne pas comme un ordinateur dont le principe de fonctionnement repose sur une table d’instructions internes mais plutôt comme une superposition de mémoires hiérarchisées.
Cette approche doit nous interpeller et conduire à faire évoluer notre manière d’analyser les crises. Pour l’instant nous privilégions la construction d’un modèle général et à partir de cette référence nous nous efforçons de comprendre les forces et faiblesses d’une organisation ou d’un processus. C’est à partir de cette compréhension que nous allons bâtir notre processus de décision. Ce modèle a pour lui d’être logique et de ne pas remettre en cause notre fonctionnement quotidien. Or les situations de crise que nous aurons à gérer seront de plus en plus complexes car elles mêleront des facteurs humains, économiques, sociologiques, politiques dont nous ne commençons qu’à soupçonner la force de leurs interactions.
Hawkins suggère de parvenir à compiler un maximum de données relatives à un ensemble d’expériences dans les domaines énumérés ci-dessus, les hiérarchiser en fonction de leur pertinence pour permettre une meilleure déduction des conséquences d’un événement. Cela va bien au-delà de la prise en compte des suites d’un événement qui s’est déjà produit. Il nous faut aller au-delà de la connaissance d’une seule situation et prendre en compte des dizaines de compartiments d’expériences humaines.
C’est une approche de type Google, dont il est significatif au demeurant de voir l’investissement massif dans les technologies prédictives. S’agissant des crises, il serait triste de laisser circonscrire le champ de la recherche à des fins principalement commerciales.
Il faut également avoir à l’esprit le défi représenté par la gestion massive de données. Sur ce point les économistes peuvent nous aider. Les travaux sur « l’ignorance rationnelle » sont alors utiles pour mesurer le niveau de basculement permettant d’arbitrer ente les coûts de collecte de données nécessaires à une prise de décision et l’intérêt final de cette décision. S’agissant de l’avenir de l’humanité, ces questions de coût peuvent être secondaires mais le contexte économique actuel peut inciter les citoyens et les politiques à choisir de rester mal informés. Le déluge de données parfois contradictoires, auquel nous sommes soumis doit donc faire partie des facteurs à prendre soigneusement en compte. Faire l’impasse sur cela conduira à produire des politiques publiques de plus en plus dictées par l’émotion et de moins en moins par la raison.
Sur ce point, les analyses que l’on peut trouver sur le site www.project-syndicate.org apportent un intéressant éclairage.
La référence à des théories économiques peut se révéler prometteuse pour mieux comprendre les processus de crises.
En savoir plus :
http://www.ted.com/talks/jeff_hawkins_on_how_brain_science_will_change_computing.html
www.project-syndicate.org