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Le hasard des éditions fait que l’on trouve voisins en ce mois de février 2016 dans les rayons des librairies, l’ouvrage collectif « la fin des Empires » et l’édition poche du dernier ouvrage de Jérémy Rifkins « La Nouvelle Société du coût marginal zéro ». On trouvera dans ce même blog un article écrit en juillet 2013 qui s’intitulait « Jérémy Rifkins » et après ? à propos de son ouvrage « Une nouvelle conscience pour un monde en crise »
D’un côté un ouvrage rappelant un fondamental sobrement ciselé par Jean-Baptiste Duroselle, dans le titre de son essai publié en 1981 « Tout empire périra », de l’autre un ouvrage poursuivant le développement d’une utopie fondée sur le pari d’une régulation universelle fondée sur de l’individualisme en réseau.
Ce dernier ouvrage parle de « prosommateur », l’individu producteur et consommateur, fédéré en réseau et acteur de la mutation du capitalisme vers une économie horizontale du partage, de la gratuité et de l’abondance.
Rifkins théorise sa vision en la fondant sur un triptyque « communication internet gratuite » « énergie gratuite » et « production individuelle d’objets grâce aux imprimantes 3D pour un coût marginal nul ».
Le seul point sur lequel on peut suivre Rifkin est la fin programmée des énergies fossiles. Mais si le nouveau cycle est construit sur un réseau planétaire avec des systèmes de régulation qui ne pourront être que supranationaux alors on aura reconstruit un nouvel empire mais qui sera d’une fragilité extrême car reposant soit sur des mesures de sécurité dont chaque individu devra être le garant, soit sur des machines et des petits groupes de décideurs qui risquent fort d’être les dictateurs de demain.
C’est là que la lecture de l’ouvrage de Duroselle et de sa vulgarisation récente avec cette « Fin des empires » est salutaire car elle remet l’histoire au cœur de la réflexion. Cela permet de prendre conscience que les velléités impérialistes subsistent malgré les effondrements des structures et que nous serions bien avisés d’analyser les faits qui se déroulent sous nos yeux.
Oui les réseaux numériques se développent, mais ils risquent fort de constituer une tyrannie ou de créer le chaos quand ils s’effondreront. L’empire des réseaux cumule toutes les caractéristiques des empires historiques décrites dans l’ouvrage de Gueniffey et Lentz : l’unité (Rome), la confédération (les Aztèques), la complexité de l’organisation (empire ottoman), la durée (éphémère pour l’empire d’Alexandre, millénaire pour Byzance, bimillénaire pour la Chine) et par conséquent toutes les possibilités de trépas.
L’empire des réseaux risque de nous détourner de la question fondamentale qui se pose aujourd’hui au monde démocratique : Comment surmonter les mouvements désintégrateurs que sont l’individualisme et les intégrismes religieux qui se meuvent déjà sur des territoires numériques. Ne pas surmonter ce défi créera un embrasement qui achèvera de disloquer nos sociétés et conduire à cette « jachère perpétuelle du pouvoir » dénoncée par de Gaulle et que rappelle opportunément Arnaud Teyssier dans son article sur la tragédie de l’empire colonial français (chapitre 18 de La Fin des Empires).
En savoir plus
Jeremy Rifkins et après ?
http://www.gerard-pardini.fr/spip.php?article46
La Nouvelle Société du coût marginal zéro de Jeremy Rifkin
Les Liens qui libèrent, septembre 2014. Réédition Babel 2015.
Duroselle à propos de « Tout empire périra » Armand Colin ; 1981.
http://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_1981_num_46_3_3077_t1_0721_0000_1
La fin des Empires ; Collectif ; Directeurs : Thierry LENTZ et Patrice GUENIFFEY
http://www.editions-perrin.fr/livre/la-fin-des-empires/9782262051600